Au final quel est le rôle de l'Alchimiste ?
Il est un serviteur, une aide 'extérieure', qui (tout égoïstement) va faire la Pierre.
Roger Bacon l'a dit clairement :
We are no more than mere servants in the work.
The Root of the World, by Roger Bacon, 13th Cen.
Ripley aussi l'avait signifié dans d'autres termes.
Drôle de personnage que l'Alchimiste, son rôle s'arrête t'il là ? Qui est il ce personnage énigmatique finalement ?
Je méditais dernièrement sur la psychologie de l'Alchimiste (disons que je me suis pris un peu comme exemple). Je pense qu'il est un peu "cinglé". Légèrement autiste, (un peu) à l'ouest, et comme dirait Audiart : "les félés laissent passer la lumière !" Donc un peu félé aussi. Disons que d'un point de vue tout à fait raisonnable (avec un esprit "normal" = non initié), il est fou. Si on prend les choses froidement, il faut être un peu secoué du bocal ou du ballon, pour faire l'Oeuvre, voire même, pour en envisager le fonctionnement et pire, il faut une tendance franchement risque tout, suicidaire, téméraire ou insensée pour ingérer la Pierre ... la transmutation est une bagatelle pour un Alchimiste, on sait qu'on transmute et basta, mais l'ingestion, c'est une autre paire de manche. L'Alchimiste est un fou philosophique, et en cela est il est tout *naturellement* normal. Ce sont tous les autres qui ne le sont pas, car ils ne perçoivent rien de la Nature.
"Fou aux yeux des hommes, sage au yeux de Dieu".
Leslie Nielsen "Agent Zero Zero".
Son désir était de devenir une star Hollywoodienne tout ce qu'il y a de plus normal ...
Finalement il a trouvé sa place dans le comique ! Il ne s'était pas attendu à ça.
Finalement on est marqué dès le départ.
Disons que les termes ci dessus peuvent peut être choquer certaines personnes, "cinglé" "suicidaire" ... disons que dans le monde "normal" ces termes font référence à des concepts "normaux", ici, utilisés par un Hermétiste, ces mots sont à recadrer dans le sens "philosophique". Un peu comme le mercure peut être vulgaire, ou le Mercure peut être Philosophique ... toute la différence est là. Il faut donc être Philosophiquement cinglé, Philosophiquement suicidaire, Philosophiquement secoué du bocal.
On m'a posé la question dernièrement : "Avec tout ce que tu sais du monde, comment tu peux y trouver le bonheur et y être heureux ?"
Je suis heureux quand il fait beau, quand je vois un arc en ciel, quand je travaille à rendre mon existence plus belle, quand je peux aider un peu les gens ... rien d'exeptionnel là dedans. Quel est le problème à comprendre la matrice et les intrications de la matière ? Est ce que cela devrait me rendre dépressif ? Malheureux ? Devrais je me dire "mince, finalement cette existence pourrie est encore pire que ce je pensais, tout est faux !" non. Je trouve tout ça passionnant, au contraire, enfin, enfin ! je comprend quelque chose du monde dans lequel je vis. Je commence à percevoir les tenants et les aboutissants et c'est vertigineux.
Maintenant imaginez vous avec la Pierre devant vous.
Vous allez me dire "je la prend tout de suite". Votre réaction est de l'ordre de l'imaginaire. Moi je parle de la confrontation avec le concret, le "réel". On ne joue plus. Elle est là et vous êtes là.
Que ce passe t'il après l'ingestion, le savez vous ?
Vous avez pensé à faire un testament, à régler vos affaires en court, à laisser des notes à votre futur vous, à ranger vos affaire et à les mettre en ordre, dans le cas ou ... et oui, et si jamais vous faites un AVC ou une attaque cardiaque, ou que votre corps entier disparait, ou encore que vous perdez la mémoire, ou que tout votre sang se coagulait d'un bloc en vous ?
Vous savez combien en prendre de la Pierre ?
Comment la prendre vraiment ?
Combien de fois vous pouvez en prendre ?
Qu'est ce ça va vous faire ?
Est ce que votre personnalité va changer ?
Est ce que votre corps va changer ? Dans ce cas, comment faire avec les photos, les papiers, les amis, la famille etc, et j'en passe... toutes ces choses administratives ... et si vous êtes vieux et que vous régénérez ? Vous y avez pensé à ça ? Vous devrez déménager. Prétexter quelque chose, ne plus vous montrer ou vous grimer si vous rester sur place. Ne plus revoir vos amis, mettre des gens dans la confidence, et ces gens aussi voudront peut être régénérer ! Mais on est pas un centre esthétique ici ! On ne fait pas dans le lifting et le ravalement de facade. On est dans le curetage egoique, l'explosion des limitations et des conceptions du monde, on vous plonge dans le vide, ce qui est l'expérience qui est très probablement la plus terrifiante de toute - jusqu'à ce que la Béatitude l'emporte j'imagine.
A part votre chien, ou votre chat, votre hamster et votre tortue, voire le poisson rouge (lui n'a que deux secondes de mémoire, pas de danger), vous risquez de perturber votre entourage.
D'ailleurs en parlant d'animaux de compagnie il est judicieux de ne pas prendre la Pierre proche d'eux. Ils ne pourraient jamais en revenir. Un chien doit rester un chien ou un chat un chat. Les animaux sont psychiques, même les drogues les perturbent à distance, alors la prise de Pierre ... donc si vous les aimez et si vous ne voulez pas faire éclater leur monde, évitez d'en prendre près d'eux.
Bref ... l'Alchimiste à un moment donné se trouve à un carrefour, une voie lui permet de continuer tranquillement sa route sur du plat, l'autre donne sur le vide. C'est là où la notion de suicide Philosophique intervient. Etes vous prêt à lacher ce que vous aimez, et connaissez si bien, pour du vide ... tout en sachant que peut être plus rien, plus rien ne sera jamais - jamais - pareil ?
Est ce qu'une vie de "mer*%" aide à faire ce saut ? J'imagine que oui. Le désespoir dans le monde normal, avec toutes ses exigeances peut aider à cette fuite. Ce sera de toute manière mieux après je pense.
Pour ceux qui ont une vie où tout marche sur des roulettes, c'est peut être plus dur. A moins que la raison ne soit la plus forte.
Toute cette recherche, ce travail, ces études, ces heures passées au labo, ces prises de risques parfois ... pour finalement méditer devant un bout de cailloux et se demander si on l'ingère ou pas ... faut vraiment être spécial.
Au passage je précise que je ne suis pas Adepte ...
On parle souvent de trois voies. Brêve, Sèche et Humide.
Si je deviens sectaire je dirais qu'il n'y en a qu'une seule. Citons notre vieil ami Roger :
For the knowledge of this art consisteth not in the multiplicity, or great number of things, but in unity; our stone is but one, the matter is one, and the vessel is one. The government is one, and the disposition is one. The whole art and work thereof is one, and begins in one manner, and in one manner it is finished.
The Root of the World, by Roger Bacon, 13th Cen.
Bon encore une fois il cloue le bec à pas mal de monde. Fulcanelli parle de faire l'Oeuvre avec le Mercure seul. C'est de cela dont je parle aussi et dont Bacon nous entretiens ici.
On ne parle pas d'une spiritualitation par le Spiritus Mundi de diverses matières de ce monde, parce que là les matières sont légions, en vérité toutes, en passant par l'urine, le cinabre, l'antimoine et fer, le plastique, ou ce que vous voulez, de toute manière le Spiritus Mundi vient à bout de tout et terminera toujours son travail par une masse rouge. Il a des matières plus facile, qui réagissent plus rapidement etc ... c'est de la technicité dans ce cas.
Bref, c'est là où l'on retrouve les concepts d'Humide, Sec, Bref. A noter qu'on ne dit pas Long en rapport avec Bref, ce qui dénote déjà un couac. Parceque humide peut être bref ou long, et sec peut être long ou bref. Donc ce n'est pas pour remuer le couteau dans la plaie, mais ces conceptions de l'oeuvre sont idiotes à mon sens.
Si on veut vraiment faire l'Oeuvre dans le respect total des Lois de la Nature il semble qu'il n'y ait en effet qu'une seule disposition générale à l'Oeuvre. Une seule méthode, un seul feu (secret, et non vulgaire), un seul vase, un seul processus, je ne dirais pas 'une seule' manière de s'y prendre, car j'en connais plusieurs, mais je dirais que le principe est le même, donc du coup ... ça revient au même de dire qu'il n'y a qu'une seule disposition... clair ou pas, accepté ou pas, voilà qui est dit.