L'imagerie populaire semble penser que l'Alchimiste est une personne perdue dans ses pensées de manière continuelle, penchée sur ses livres, ses cornues, assise autour d'un fatras de choses bizarres et sales. Il est associable, puant, sale, le regard vague, les yeux injectés de sang par la fatigue, les ongles longs et noirs et les habits négligés. Il est aussi peut être nécromancien, ou sorcier... Sans compter le fait que le lieu où il travaille sent l'urine à plein nez. Si ce n'est pas autre chose... ragoûtant.
"- Dis donc Raoul, il est où le caput d'urine ?"
"- Suis les mouches !"
Déjà cette image était véhiculée très tôt par certains peintres, dans des gravures. L'aspect chimérique de tout ceci n'a rien fait pour aider à embellir l'aspect, ou l'image des alchimistes de part les siècles. L'image de la voie sèche au charbon serait plutôt un gaillard plein de suie sur lui, transpirant, mais plein d'énergie. Tout l'intérêt est porté sur son fourneau ronflant, sur les couleurs des creusets dans la moufle. Celui de la voie humide, un petit athanor, chauffant sans rien demander à personne, dans un petit coin d'un bureau. L'Alchimiste aillant une allure tout à fait normale, relaxée le plus souvent, et s'il s'agit d'une coction longue, et bien ... il n'est tout simplement pas là, il vaque. De temps en temps, il jette un oeil à sa fiole. Fait un petit "hmmm", et puis patiente quelques mois de plus sans soucis.
Vous l'aurez compris, l'image d'Epinal, ne nous fera pas "gober" que ça chauffe mieux avec de la crasse et des livres déchirés de partout (même si à un moment on les déchire, mais c'est une autre histoire).
Le parcours alchimique d'un opérant peut varier. Il peut travailler dur à certains moments, puis à cause de sa vie profane, devoir laisser tomber la "chauffe" ou la "coction", pour devoir se consacrer à tout autre choses. Parfois il semble qu'il ne travaille plus au Laboratoire. C'est normal, le Laboratoire travaille par lui même tout seul, en pilote automatique.
Je suis pour ma part, loin de penser, ou mieux, de faire ce que Eugène Canseliet disait de l'Alchimiste seul, ennuyé devant son Athanor, attendant que le temps passa, tout en se masturbant... se masturber à coté de son Athanor ? Jamais vu ça ! Prier oui, l'onanisme, non. Il n'y a pas de "playmate Pleine Lune de Mai", "rosée de printemps", ou autre. Bref ! Et n'allez pas imaginer que les termes ici choisis soient de nature à connotations.
Parfois la Science d'Hermès a du mal à tenir face aux impératifs et aux nécessité de notre monde. Parfois aussi nous en avons simplement ras le bol, ras la tête de maure, plein le creuset, et puis, la flamme ne brûle plus toujours aussi fort dans l'athanor de notre coeur. Bref, nous avons besoin d'air, un peu de vacances, de voir autre chose, et c'est bien légitime. Ces "breaks" peuvent durer des jours, des semaines, des mois, parfois un an ou deux. Nous ne sommes pas dans l'énergie du labo, et nous ne souhaitons pas nous y investir à 100%, ou encore y investir, temps, argent, énergie, etc, totalement.
Ainsi, nous pouvons très bien travailler qualitativement, longuement au laboratoire, mais qualitativement, c'est à dire, en investissement, qu'à 50%. Je pense sincèrement qu'il y a des cycles dans notre travail de Laboratoire. Que l'on ne peut, physiquement, psychologiquement, monétairement, ou temporellement, s'investir totalement. je crois même que ce n'est pas sain. Du tout. A certains moments, comme au printemps, il y a un regain d'énergie, d'intérêts, et de nouveaux projets éclosent. Puis une accalmie avec une période de travail, d'études, de tests. Finalement, une fois le cycle achevé, avec son lot de réussites, et "d'échecs", une pause peut se faire jour. Peut être bien une pause intégrative.
Non, l'Alchimiste ne reste pas, immuablement penché sur son fourneau, sa cornue, évidement, fondre un métal ce n'est pas la même chose... Il faut être là car il y a du travail, beaucoup plus d'énergies à injecter dans le processus. Faire une distillation, c'est 15 minutes de travail, et le reste ... ça chauffe tout seul, nous n'avons pas toujours besoin d'être là, à regarder chaque goutte tomber, au mieux, on règle le feu, on ajuste la tête de maure, on change ou on vide le récipient lorsqu'il le faut, mais cela ne prend pas 100% de notre temps ou de notre attention. Au mieux sur 5 heures de distillation je suis présent 30 minutes. J'ai "l'oeil" pour savoir, selon la température, quant le récipient sera à changer selon l'appareil de distillation, quand il faudra hausser le feu. Ce sont des coups de mains, d'évaluations automatiquement mises en places. Il a fallu que j'y réfléchisse pour me dire qu'en effet, j'avais cette capacité maintenant.
"Voilà ! C'est reparti pour trois heures, je vais pouvoir finir ma partie d'échecs en ligne".
Mais cela, ça ne se fait qu'avec de la pratique, de la patience, du temps. Des petits pas qui mènent doucement sur le chemin de l'Alchimie.
Je ne pense pas qu'il faille se forcer à avoir une pratique régulière. Ce n'est pas une chose que l'on force. Cela vient naturellement. C'est un peu comme l'amour. Les pauses sont nécessaires aussi. Il ne faut pas se "frapper" si nous regrettons de ne pas pouvoir, de ne plus vouloir travailler au labo. Sous le ciel, il est dit, qu'il est un temps pour tout. Pour travailler, pour se reposer, pour profiter des fruits de ses labeurs. (Amen +)
Mes chers amis, je vous souhaite, soit de bonnes vacances du Labo, soit une bonne pratique. Dans les deux, cas, amusez vous bien !