December 08, 2015

Michael Maïer et son Atalanta Fugiens.


La très célèbre 
"Atalanta Fugiens" de Michael Maïer.
Partie 1.


Qui était Michael Maïer ?

Michael Maïer à l'âge très honorable de 49 ans dans la gravure provenant de son Atalante.
1617.

Un Adepte faisant parti de la Rose +Croix, assurément, mais tel ne se résume pourtant pas l'homme. Il naquit en 1569 dans le Holstein en Allemagne, et décéda en 1622. Il est nommé docteur en médecine et en philosophie en 1601. Il entra successivement au service de l'empereur d'Autriche, du landgrave Maurice de Hesse, du duc de Magdebourg. En 1609, auprès de Rudolph II de Habsbourg, il reçut le titre de comte Palatin. Il a contribué à l’essor de la fraternité des Rose-Croix, en Angleterre et en Allemagne principalement.

Reproduction d'artiste, par Mitchell Nolte. Sur Deviantart.
(Cliquez dessus pour une image plus grande).

Nous avons réellement là un portrait vivant de ce grand Adepte et Apôtre des Sciences Hermétiques.
Bravo à l'artiste qui a su le capturer tel qu'il devait être.

Son père, Peter Maier (mort en 1582), était un artisan de luxe dans la broderie de perle, et fut au service de Heinrich Rantzau (1526-1598), gouverneur du Holstein et du Schleswig pour le roi Frédéric II de Danemark. Michael Maier reçut dans son enfance une éducation humaniste, pendant laquelle il développa notamment la composition de poésie latine. De 1587 à 1591, il étudia à l'Université de Rostock la physique, les mathématiques, la logique et l'astronomie et la médecine. Il retourna chez lui en 1591, sans avoir obtenu son diplôme, peut-être par manque d'argent.

En 1592, il continua ses études de médecine à l'Université Viadrina de Francfort-sur-l'Oder, et obtient sa licence en 1592, tout en continuant à écrire des poèmes sous le pseudonyme de Hermes Malavici (un parmi la douzaine d'anagrammes de son nom Michael Maierus, dont la devise res mea luce mihi dernière partie d'un distique élégiaque "Fulgeat Aetheriâ res mea luce mihi"2 : "du moment que ma matière brille pour moi d'une lumière éthérienne" (Ceci est proprement Alchimique ! ndlr).

Il commença à pratiquer en tant qu'assistant de Matthias Carnarius (avant 1562–1620), médecin du duc Jean Adolphe de Holstein-Gottorp.

Il étudie la philosophie et la médecine à Rostock(1587), Francfort-sur-l'Oder (1592), et Padoue. Il obtient son doctorat de médecine en 1596 à Bâle, et revient à Rostock pour exercer. Il pratique également brièvement vers 1601 à Konigsberg et à Dantzig. Vers cette époque il commence à s'intéresser à l'alchimie. En 1608 il va à Prague, et en 1609 il devient médecin et conseiller impérial de Rodolphe II, du fait de la passion de l'empereur pour l'alchimie et l'occulte.

En 1611, il effectue un voyage à Amsterdam, dont on sait peu de choses. Cette même année, Rodolphe, malade, abdique et meurt l'année suivante.

Entre 1612 et 1616, Maier gagne l'Angleterre et la cour de Jacques Ier. Il y rencontre Robert Fludd. Vers 1614 il y publie Arcana arcanissima. Il sert aussi d'autres princes allemands, en particulier le prince de Nassau, grand protecteur de l'alchimie. Il publie, en 1617 à Oppenheim chez Jean-Théodore de Bry, l'Atalanta fugiens.

Luthérien, Michael Maier est l'un des principaux commentateurs des manifestes Rose-Croix, publiés en Allemagne de 1614 à 1616. Dans Silentium post clamores (1617), il défend la mystérieuse fraternité contre les calomniateurs, et lui attribue une origine égyptienne ; en 1618 il fait publier à Francfort la Themis aurea.

En 1619 il devient le médecin du landgrave Maurice de Hesse-Cassel. En 1620 il part pratiquer la médecine à Magdebourg où il meurt en 1622, laissant de nombreux travaux non-publiés. (Wikipedia)


Pourquoi l'Atalante Fugitive ou Atalanta Fugiens" ? 

Dès le titre, nous savons qu'il s'agit ici d'un ouvrage qui sera réservé aux personnes connaissant la Mythologie Grecque. Ceux qui ne la connaissent pas, n'auront alors pas toujours accès aux symboles et aux histoires qui sont derrières... Atalante en tout premier lieu, est une jeune fille qui refuse, initialement, de se marier. Elle fait preuve de capacités de chasseresse et des prouesses physiques hors du commun. 

Ici donc nous est présenté la fugueuse, insaisissable héroïne Atalante. Et quoi de mieux pour illustrer cette nature fugueuse, que des fugues musicales ! C'est là le génie de Maïer, d'illustrer musicalement, en donnant une atmosphère, à chaque Emblème. 

La tradition Arcadienne nous dit qu'elle sera à côté de Jason, dans sa quête de la Toison d'Or. Mythe parfaitement Alchimique comme les initiés le savent si bien maintenant. Dans la seconde tradition faisant références à cette jeune héroïne, la tradition Béotienne, et c'est celle que garde Maïer ici.

Tout en haut, les trois Hespérides dans leur jardin, (les noms varient, mais ceux qui reviennent le plus souvent sont Églé, Érythie et Hespérie).
Nous notons aussi sur ce frontiscipice, la présence d'Heraklès, ou Hercule à gauche, avec la représentation de l'un de ses travaux. L'hydre ou dragon est le gardien du jardin, et des pommes du Jardin des Hespérides.
A droite, nous voyons Aphrodite donnant les tois pommes d'or au jeune Hippomène. En bas à gauche, leur course, leurs amours dans le temple à droite et vers le centre, tous deux transformés en lions.
Ces pommes nous pourrions les voir comme les trois feux, capable de ralentir, fixer, puis incérer le Mercure sur, puis dans le Soufre. La déesse de la Nature, y a librement accès, l'initié lui, doit passer le Dragon, comme Hercule. 

Ainsi donc, elle ne voulut prendre pour époux que celui qui pourrait la battre à la course -  son père souhaitant la marier ; ceux qui échoueraient seraient mis à mort. La légende indique que les prétendants partaient les premiers, sans armes, et qu'Atalante, munie d'un javelot, tuait ceux qu'elle dépassait. De nombreux prétendants moururent ainsi, jusqu'à ce que se présente Hippomène, qui aidé d'Aphrodite, laissa tomber trois pommes d'or, provenant du jardin des Hespérides, données par la déesse dans sa course ; curieuse, la jeune fille s'arrêta pour les ramasser, et fut ainsi devancée à l'arrivée.

Mais par la suite, les amants se rendent coupables de sacrilège en faisant l'amour dans un temple - que l'on retrouve sur le côté du frontiscpice de l'Atalanta Fugiens, avec un belle description du jardin des Hespérides et du temple dans lequel ils s'unirent. 



Chez Ovide, Hippomène oublie de remercier la déesse Aphrodite de lui avoir donné les pommes d'or, et celle-ci, pour se venger, envoie aux amants un désir irrépressible qui les conduit à faire l'amour dans un temple de Cybèle ; cette dernière, courroucée, les métamorphose en lions et les attelle à son char. Apollodore indique seulement qu'ils s'unissent dans un temple de Zeus. Chez Hygin, c'est également Aphrodite qui envoie aux amants leur désir sacrilège, mais c'est Zeus qui les métamorphose ; il précise aussi qu'une fois devenus lions, les amants ne peuvent plus s'unir l'un à l'autre.

Ceci est à noter car plus loin, nous verrons des lions, et autres rappels de ce mythe. Ainsi donc, Maïer nous rappelle les faits par son épigramme : 

"L'audacieux jeune homme emporta le trésor
Du jardin d'Hespéros quand des mains de Cypris
ll eut reçu le triple fruit.
La Vierge fuit ; il suit et lance sur le sol
La pomme qui l'attire et ralentit sa course.
Vite il bondit ; mais elle, vite, le devance,
Plus prompte que l'Eurus. Il sème devant elle
De nouveaux présents d'or. La Vierge un court instant
S'attarde, mais bientôt elle fuit de plus belle,
Jusqu'à ce que, l'amant renouvelant les poids,
Noble prix, Atalante à son vainqueur se rende.
Hippomène est la force du Soufre ; la Vierge
Mercure fugitif ; le mâle vainc la femme.
Lorsque, saisis d'amour, ils s'étreignent tous deux,
Au temple de Cybèle, irritant la déesse,
Elle se venge en les vêtant de peaux de lions
Qui font rougir leurs corps et les rendent sauvages.
Pour exprimer au mieux ce que fut cette course
Ma Muse t'offre ici les trois voix de la fugue.
L'une est simple et durable ; elle est le fruit qui retarde ;
Mais la seconde fuit, que poursuit la troisième.
Des oreilles, des yeux accueille ces emblèmes,
Puis guide ta raison vers leurs signes secrets.
J'ai mis devant tes yeux l'appât de ces images :
L'esprit doit y trouver les choses précieuses.
Les biens de l'univers, les remèdes qui sauvent
Te seront tous donnés par ce double lion."

Et pousse l'analyse bien plus loin déjà, en semant, ci et là, quelques détails, et non des moindres, sur le mythe et son sens plus profond. Nous entrons déjà, dès les premières pages dans le vif du sujet. "Hippomène est la force du Soufre ; la Vierge Mercure fugitif ; le mâle vainc la femme." et nous verrons ici combien  ceci est important dans la pensée Alchimique de Maïer, car nous en aurons aussi des rappels par petites touches, notamment dans ses armoiries Hermétiques. 

Quant à la fin de la phrase "le mâle vainc la femme" ce n'est pas qu'il eut été sexiste ou misogyne, loin de là, car il place en premier plan une héroïne, une femme d'envergure, rebelle et libre, puissante et fière, c'est ici un rappel Alchimique : le Fixe vaincra le Volatil, le Soufre sur le Mercure, bien que ce dernier ait tous les avantages pour lui dès le départ.

Il finit ce premier texte par "Les biens de l'univers, les remèdes qui sauvent te seront tous donnés par ce double lion." Encore une phrase proprement Alchimique dans laquelle il désigne tant la matière première de l'Oeuvre, que son résultat, et toutes les possibilités qui en découlent.


Armoiries Hermétiques de l'Adepte Allemand Maïer :


Un agrandissement sur les armoiries présentées au dessus de son épaule, à droite de la gravure.

 Au chef, ornements extérieurs comportant deux heaumes couronnés (or et argent ?) se faisant face, avec sur les côtés des feuilles, d'ornementation, peut être d’acanthe. Sur la couronne du heaume à senestre,

Il n'est pas facile d'avoir tous les détails sur cette gravure cependant nous pourrons y voir ceci :
A sénestre au chef comme sur l'écu, le même symbole d'une bûche portant trois épis ou trois branches vertes. Nous noterons alors la nature végétative, Vénusienne, qui, possiblement, nous indique que ce qui est mort, reverdit. Et que ce qui est en bas, est ici comme en haut. Mais pas au même degré d'exaltation. C'est pourquoi je penserai volontiers que les couleurs employées pour ces deux mêmes symboles ne seraient pas les mêmes.

A dextre sur l'écu, un oiseau, attachée à une patte, à un batracien. Malheureusement, ici nous ne pourrons encore que faire des conjectures ...

Plusieurs explications peuvent être trouvées : 


Peut-être s'agit'il d'un combat entre le fixe et le volatil, c'est à dire que le mercure s'efforce, par maints efforts (techniquement parlant des sublimations ou des cohobations sublimatoires), de faire montrer avec lui le fixe. Dans l'idée inverse, - à laquelle je souscris le plus, nous pourrions ici voir la fixation du volatil (à ne pas confondre avec le volatil fixé). Le même symbole, à peu de choses près, est aussi donné par Cyprian Picolpassi, dans "l'Art du potier" (1548).



Fixation du Volatil. Art du Potier.

Mais notons encore ce lien, cette chaîne entre ce volatil et ce batracien. S'il s'agissait d'une colombe mercurielle et d'un crapaud nous pourrions alors voir un lien entre ce Mercure sortant du Caput vénéneux, lourds, fixe et infâme. La chaîne noterait alors l'origine du Mercure. Car la roche n'a pas été retenue par Maïer, il voulait probablement aller au delà de la simple représentation de la lourdeur, en tout cas s'il s'est inspiré du symbolisme de notre Artiste Potier (ce qui est très probable, à n'en pas douter).

Ou est ce encore, la chaîne d'or entre le phœnix et le vil crapaud, ici représentant ce qui est impur, mort, vil, vulgaire ... l'un renaissant de l'autre, et l'autre, naissant aussi de l'un ...
Nous sommes ici dans l'élévation, dans la sublimation, dans le perfectionnement.

Maïer aime les symboles et il nous montrera dans ces emblèmes, un crapaud, des volatils de toute sorte. Le crapaud avait semble t'il sa préférence au niveau des batraciens, c’est pourquoi je le retiendrai volontiers comme symbole explicatif pour ses armoiries.

Posé sur le heaume de dextre, probablement le même volatil, car nous avons vu sur le côté senestre de l'écu, une duplication. Il a les ailes repliées et porte en son bec un anneau ou un ouroboros, nous ne pouvons être plus précis. 

Nous ne pouvons ici que supposer qu'il s'agit d'un anneau d'or. Nous avons donc ici la fixation du volatil (il ne vole plus), et le parachèvement de l'oeuvre, du Grand Oeuvre, sous la forme d'un anneau d'or. Symbole double de la perfection, de part sa nature même, celle de l'or, qui est le symbole de l'immortalité, de la lumière et de la Divinité. Et aussi par sa forme parfaite, qui est celle du cercle. Nous pourrions dire aussi qu'il s'agit alors d'un anneau d'argent, pointant alors sa nature mercurielle et ignée (feu de roue = cercle), dénommant alors Maïer comme possesseur du Mercure Secret des Sages...

Si par contre, nous validons l'idée qu'il s'agit plutôt d'un Ouroboros, alors nous devons en dire qu'il s'agit là d'un symbole du Feu Secret des Sages, qui serait égal à l'anneau d'argent.

Il est difficile de donner un sens juste à ces armoiries. Elles ont en tout cas un sens Alchimique indéniable à cause de la nature même des symboles qui la compose. 

Les amateurs d'héraldique pardonneront les maladresses de mon interprétation.


Sources diverses :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Michael_Maier 
http://hermetism.free.fr/archi-lallemant-08.htm
http://www.kunstderfuge.com/maier.htm (musique des fugues)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Atalante

Pour en savoir un peu plus (lien anglais) sur l'Héraldique en Alchimie : 
http://levity.com/alchemy/hermhera.html

1 comment:

Pr S. Feye said...

Deux ouvrages de M. Maïer existent en français chez Beya Editions: Les Arcanes très secrets, et La Table d'Or.

Schola Nova